4. L’économie n’est qu’une idéologie
au sens de Marx
Ce qu’il y a de plus grossièrement faux
dans la théorie de Marx consiste dans sa prétendue critique de l’économie où il
ne cesse de maintenir, sous couvert de critique, le point de vue même de
l’économie. Et 100 ans après sa mort, cette plus grossière erreur qui est aussi
sa plus fondamentale, n’est toujours pas dénoncée.
Ce n’étaient pas les ennemis bourgeois
ou bureaucrates de Marx qui allaient dénoncer cette erreur. Ces gens n’allaient
pas dénoncer la présence chez Marx de leur propre théorie du monde ! Au
contraire après des réticences de pure forme ils se sont enthousiasmés pour
cette « critique » de l’économie. Cela aurait dû mettre en garde les
ennemis réels de ce monde et des théories dominantes de ce monde. Cette partie
de la théorie de Marx est celle qui a appelé sur elle les déclarations
admiratives des savants bourgeois, des professeurs social-démocrates
et des tortionnaires staliniens. C’est elle qui fut qualifiée à l’envi par
toute cette racaille d’impérissable et inaliénable acquis des sciences de la
société, et j’en passe. Quelle connerie Marx avait bien pu dire pour que la
racaille bourgeoise, social-démocrate, stalinienne et technocratique loue ainsi
sa « critique » de l’économie ? Quelle connerie recèle cette « critique »
quand on voit que sur ce point — sur ce point seulement — un Debord a la même position, dit exactement la même chose —
quoique dans un but différent évidemment — que les fossiles vivants Mandel, Mendel,
Fossaert, Fourastié, etc. ?
L’économie n’est qu’une théorie du
monde, c’est la théorie dominante du monde aujourd’hui, et aujourd’hui
seulement, dans le monde moderne, puisque c’est celui-ci qui l’a produite tout
exprès à cette fin. L’économie est seulement une pensée et nulle autre chose
existante dans le monde, nulle autre partie réelle du monde qu’une simple
pensée, une pure Weltanschauung, une pure vision du monde — justement un de ces
fameux objets de mépris des « matérialistes » — et quand elle agit
dans le monde, quand elle produit des effets dans le monde, elle agit seulement
comme agissent les pensées, les visions, sans plus, elle produit les effets que
produisent les pensées, les visions, sans plus. L’économie est seulement une
idéologie au sens de Marx.
Or Marx, mais aussi à sa suite les
situationnistes, tiennent l’économie pour un moment du monde — autre qu’une
pure pensée, car une pensée, aussi pure qu’elle soit n’en est pas moins un
moment du monde. Et Marx, ainsi que les situationnistes, adoptent tous les
postulats de l’économie à commencer par celui qui porte sur la propre nature de
l’économie. On peut même dire que Marx fut l’inventeur funeste de ce postulat.
Selon Marx, et selon les
situationnistes, l’économie serait d’une part un moment réel du monde, moment
différent d’une pure pensée, et d’autre part la théorie, la pensée, de ce
moment réel. Selon eux, « économie » désigne et un moment du monde et
la théorie de ce moment, théorie qui de toute façon, ne nous lassons pas de le
répéter, est aussi un moment pratique du monde en tant que théorie. Selon eux,
l’économie, en tant que théorie, est la théorie dominante de l’économie, en
tant que moment réel du monde différent d’une pure pensée. Selon eux,
l’économie est la théorie dominante de l’économie. Ceci est une pure
calembredaine puisque l’économie n’est en réalité aucun moment réel du monde
autre qu’une pure pensée. L’économie est seulement la théorie dominante, le
mensonge dominant sur la vraie nature du monde, sur la partie centrale du
monde, sur ce qui dans le monde est réel et agissant. Cependant, l’économie est
aussi, d’une manière tout à fait différente que ne le conçoivent Marx et les
situationnistes, la théorie dominante de l’économie car, l’économie étant un
mensonge sur la vraie nature du monde, comme tout mensonge qui se respecte,
elle est d’abord un mensonge sur sa nature de mensonge. Et l’économie est bien aussi la théorie dominante de
l’économie, la théorie dominante de la théorie dominante, le mensonge dominant
sur le mensonge dominant. C’est surtout depuis Marx que l’économie est d’abord une théorie qui prétend que l’ » économie »
est la partie centrale du monde et de la société, la base concrète de la
société et non pas seulement une pure pensée, une pure théorie du monde. Marx
qui prit des idées pour autre chose que des idées avait bien pensé attaquer
l’idéalisme forcené de Hegel mais il a toujours oublié d’attaquer le sien.
Hegel voyait des idées partout — et nous montrerons qu’il n’avait pas tellement
tort — Marx ne vit pas l’idée là où il fallait la voir.
Récemment, Raffaël
Pallais, dans son Incitation
à la réfutation du tiers monde peut écrire que « la base de l’histoire
n’est pas l’économie, quoi qu’en disent les idéologues marxistes » mais il
ne comprend pas pour autant que l’économie si elle n’en est pas la base n’en
est pas plus aucune autre partie secondaire. Pallais
admet que l’économie ne soit pas la partie centrale de la société mais c’est
pour admettre aussitôt qu’elle est une partie secondaire, « un mode
particulier, déterminé et spécifique de l’aliénation ». Or l’économie
n’est même pas cela. Elle est seulement une pure idée dominante sur le monde,
sur l’aliénation. En ce sens on peut donc dire quand même qu’elle est un mode
particulier de l’aliénation, mais pas au sens où l’entend Pallais :
une pensée fausse et mensongère comme l’est la pensée dominante, comme l’est
l’économie, est bien un mode particulier d’aliénation, un mode particulier de
bêtise. Sans plus.
L’économie n’est pas comme l’écrit tranquillement
Debord dans La
Société du spectacle « cette partie
centrale de la vie sociale » (§ 123) ni la « base matérielle de la
vie sociale » (§ 41) mais seulement la théorie dominante de cette partie
centrale. La partie centrale — et non seulement centrale mais périphérique — de
toute vie sociale, en tous temps, en tous lieux est la
communication. La forme actuelle de
la partie centrale de la vie sociale, la forme de communication qui domine
aujourd’hui est la marchandise. L’économie
est seulement la théorie dominante du mode de communication qui domine
aujourd’hui. L’économie est seulement la théorie dominante de la marchandise.
Marx et les situationnistes ont toujours
voulu critiquer l’économie en tant que théorie dominante de l’économie, jamais
en tant que théorie dominante de la marchandise. Ils n’ont donc jamais critiqué
l’économie pour ce qu’elle est. Ils n’ont donc jamais critiqué réellement
l’économie, mais seulement en apparence. Cependant, tant Marx que les
situationnistes furent des critiques acharnés de la marchandise et ils
critiquèrent la marchandise d’un point de vue radicalement ennemi de
l’économie, du point de vue de la communication totale, du point de vue de la
richesse absolue et ceci en prenant au mot la marchandise même et son spectacle.
Mais ni Marx ni les situationnistes ne furent, malgré leurs allégations à ce
sujet, des critiques de la théorie dominante de la marchandise. Ils furent des
critiques de la chose dominante et non des critiques de la théorie dominante de
la chose. Certes, tant Marx que les situationnistes ont critiqué la
marchandise. Tant Marx que les situationnistes ont donc contribué à détruire le
monde de la marchandise et à détruire tout ce qu’il contient, donc à détruire
entre autres choses, la théorie dominante de la marchandise. Tant Marx que les
situationnistes ont sans relâche critiqué la pensée dominante tant qu’elle
prenait une autre forme que celle d’économie, que celle de théorie dominante de
la marchandise. Mais tant Marx que les situationnistes ont tout simplement oublié de critiquer la théorie dominante
de la marchandise, tout simplement oublié de critiquer la théorie dominante
quand elle prenait la forme d’économie. Et Marx ne s’est pas borné à oublier
passivement mais il a oublié méthodiquement
puisqu’il s’est donné le mal de faire semblant.
Tant Marx que les situationnistes reprirent donc, comme une croyance
totalement irrationnelle dans leur pensée critique de la marchandise, la
théorie dominante de la marchandise, en concurrence avec la pensée rationnelle
qui doit finalement l’abattre. Il se passa exactement la même chose pour
l’économie que pour la religion : les physiciens bourgeois attaquèrent,
dans la théorie, le monde qui rend nécessaire la religion tandis que ceux qui
commanditaient cette physique attaquaient directement ce monde dans le monde
par leur action dans ce monde, bien avant que la religion, bien avant que la
théorie dominante de ce monde donc, ne fut nommément attaquée. Ce fut seulement
quand le monde qui nécessitait la religion eut totalement disparu que cette
théorie dominante fut mise en cause comme pure pensée par les savants travaux
du philologue Strauss portant sur l’origine réelle grecque du christianisme
réputé judaïque, puis par les travaux de Feuerbach et Marx portant sur les raisons
terrestres, sur les causes pratiques de cette pensée, sur les conditions
pratiques de sa production historique et cela pendant que luisait pleinement au
firmament théorique la nouvelle étoile de la pensée dominante :
l’économie. De même que la marchandise a été immédiatement attaquée dans le
monde par les pauvres modernes et dans la théorie par Marx et les
situationnistes, la théorie dominante de la marchandise n’a encore jamais été
mise en cause comme pure pensée, sur sa nature de pure pensée et de pensée
purement fausse, pure apparence, pure invention, pure illusion et sur les
conditions pratiques de sa production historique. De même que les
contradictions de la famille céleste — à commencer par son existence dans la
pensée — devaient être expliquées par les contradictions de la famille
terrestre, les fables de l’économie doivent être expliquées par les dangers
réels que doivent affronter dans le monde les commanditaires de l’économie.
Tant Marx que les situationnistes ont toujours traité l’économie comme une pensée réaliste, une pensée
traduisant une réalité économique du monde, certes plus ou moins fidèlement,
plus ou moins mensongèrement. Selon eux donc, c’est l’économie en tant que
chose réelle du monde autre qu’une pure pensée qui doit être tantôt maîtrisée,
tantôt renversée, que sais-je ! comme si les
athées, plutôt que de s’en prendre à la religion, aux causes réelles de la
religion, à l’étude de ces causes, au combat contre ces causes, continuaient à
s’en prendre à Dieu, voulaient maîtriser Dieu, voulaient renverser Dieu !
Ceci est d’autant plus surprenant que tant Marx que les situationnistes ont
toujours tenu, parallèlement à l’économie, la marchandise pour la substance du
monde moderne. C’est même là l’apport fondamental de Marx et les recherches
importantes sur cette substance constituent l’essentiel des travaux des
situationnistes. Ou bien la « réalité » de ce monde, la substance de
ce monde est la marchandise. Ou bien cette réalité, cette substance est
l’économie. Il faut choisir. Et ce choix, ni Marx ni les situationnistes ne
sont capables de le faire.
Afin d’illustrer ce qui précède nous
allons reprendre quelques-unes des 178 grossièretés économiques contenues dans La Société du spectacle. Que le lecteur
se rassure, nous ne déploierons pas la patience de Marx dans L’Idéologie allemande et nous ne lui
infligerons pas 178 démentis dans notre Idéologie
anglaise. Dans le chapitre suivant nous traiterons le même sujet mais à
propos de Marx et d’une manière encore plus expéditive. La chose attendait
depuis cent ans. Elle ne saurait attendre un instant de plus.
* * *
S’il est bien
vrai que l’économie, en tant que pure pensée, dépend de la société qui l’a
produite, comme toute idée, il est parfaitement faux qu’elle en dépend parce
que « la société découvre qu’elle dépend de l’économie » (§ 52). Si
la société découvre cela, ici en la personne de Debord,
c’est une fausse découverte de plus, une pure apparence de plus. Maintenant
s’il est vrai que la société dépend — quoiqu’en un tout autre sens que ne
l’entend Debord — de l’économie c’est seulement dans
la mesure où toute société dépend des idées que ses membres se font d’elle.
Maintenant, le monde n’est pas faux parce que les hommes se font des idées
fausses sur le monde. Au contraire, les hommes se font des idées fausses sur le
monde parce que le monde est faux. Mais il est bien clair que le monde
demeurera faux tant que les hommes se feront des idées fausses sur lui.
« La production des marchandises »
ne peut pas avoir « saisi la domination totale de l’économie » là où « elle
a rencontré les conditions sociales du grand commerce et de l’accumulation des
capitaux » (§ 40) car en aucune sorte de société, quel qu’en soit le
temps, quel qu’en soit le lieu, il n’exista quelque chose comme « l’économie »
qui pût être dominé par la marchandise — sinon dans notre société, comme pure
illusion — mais seulement des modes de communication qui peuvent eux, être
saisis et détruits par la marchandise. De même, « la domination de la
marchandise » n’a pas pu s’exercer « d’une manière occulte sur
l’économie » (§ 41) mais seulement sur des modes de communication
différents de la marchandise et antérieurs car nulle part il n’existait « d’économie »
sur laquelle la marchandise puisse s’exercer de manière occulte ou autre, sinon
dans notre société, comme illusion dominante.
Le spectacle ne peut être « la
victoire de l’économie autonome » (§ 51), il ne peut être davantage « l’économie
se développant pour elle-même » (§ 16) ni « l’économie se mouvant
pour elle-même » (§ 32), car pure idée, faut-il donc le rappeler après
Marx, l’économie n’a pas d’histoire indépendante. Marx qui signala le premier
cette particularité des idées en général et des idéologies en particulier
oublia simplement de le signaler pour cette idéologie qu’est l’économie. De
même, cette « victoire de l’économie autonome » ne risque surtout pas
d’être « en même temps sa perte », ni la perte du monde qui a
nécessité le mensonge économique, puisque cette prétendue victoire de la prétendue
économie autonome est une pure apparence dans la pensée dominante que l’on voit
dominer ici dans la pensée de Debord.
La bourgeoisie n’est pas « la
classe de l’économie en développement » (§ 88) mais la classe de la
marchandise en développement ; « le développement de l’économie »
n’a pas été « cause et conséquence de sa mainmise sur la société » (§ 87)
mais le développement de la marchandise oui ; ce n’était pas non plus dans
l’économie que la bourgeoisie « était déjà au pouvoir » quand elle
édifia sa « conscience idéologique partielle » (§ 123) mais dans la
marchandise.
Le spectacle ne peut pas soumettre les
hommes vivants « dans la mesure où l’économie les a totalement soumis »
(§ 16). Pure idée fausse, l’économie ne saurait que soumettre l’esprit des hommes
et encore pour cela faut-il qu’ils soient déjà pratiquement soumis par la marchandise et par l’État, par les
formes régnantes de l’aliénation de la communication. Le spectacle n’est pas « l’image
de l’économie régnante » (§ 14). L’économie est déjà une image elle-même
et seulement une image : l’image dominante de la communication régnante ou
plus exactement de la forme régnante de l’aliénation de la communication. La
vie sociale n’est pas totalement occupée par « les résultats accumulés de
l’économie » (§ 17) mais par ceux de l’aliénation universelle de la
communication. Enfin, il ne peut y avoir de « subordination de l’économie
à la conscience historique » (§ 176) puisque l’économie étant purement un
mensonge sur la vraie nature du monde, la conscience historique ne peut pas
vouloir se subordonner ce mensonge, elle ne peut que vouloir le détruire et
détruire le monde qui l’a rendu nécessaire.
* * *
Heureusement, ce qui « rattache
étroitement la théorie de Marx à la pensée scientifique » n’est pas la
prétendue « compréhension rationnelle des forces qui s’exercent réellement
dans la société » (§ 81). Heureusement, la science de l’histoire,
l’histoire comme science, n’a pas dû « être elle-même fondée
historiquement avec l’économie » (§ 82). Si elle a bien dû être fondée
historiquement comme tout ce qui existe — ce qui existe peut très bien exister
sans être fondé, mais s’il est fondé, il ne peut l’être qu’historiquement, heil Hegel ! — elle a été fondée historiquement avec
le développement d’un certain mode d’aliénation de la communication. Et, Hegel
merci ! l’économie n’est pas « la science
historique par excellence » (§ 84) mais bien plutôt l’idéologie par
excellence de la période qui voit la naissance de l’histoire comme science. Ce
n’est heureusement pas « l’histoire qui découvre sa base dans l’économie
politique » (§ 141) mais seulement les illusions sur l’histoire et sur la
vraie nature de l’économie qui ont leur base intellectuelle dans l’économie.
Il faut d’ailleurs s’arrêter à la thèse
n° 84 en tant qu’elle est un exemple de fausse
critique de Marx. « Le côté déterministe-scientifique dans la pensée
de Marx » n’est pas « la brèche par laquelle pénétra le processus
d’idéologisation » de la pensée de Marx du vivant même de Marx. Cette brèche
est la croyance de Marx dans les postulats de l’économie — postulats
parfaitement déterministes, positivistes, utilitaristes au demeurant — et cela
dès les manuscrits de 44. Cette brèche est la reprise sans examen réel, sans
examen suivi de résultat réel, de la pensée économique. À tout faire, les
postulats hégéliens sont meilleurs que ceux de Marx. De même que selon Hegel,
Kant régresse par rapport à Spinoza, Marx régresse par rapport à Hegel dans le
choix de ses postulats, puisqu’il admet ceux-là même que combattait Hegel.
Debord a beau jeu de tancer Marx pour s’être trop soucié de l’économie, mais si l’on
croit — comme Marx et Debord — en l’économie, si l’on
croit que l’économie est quelque chose de réel et d’agissant dans le monde, et
non seulement comme pensée mais comme chose, on ne peut que difficilement
penser et agir en n’y prêtant aucune attention, et cela donne cette stérile et
séculaire discussion sur le plus ou le moins d’attention que l’on doit donner à
« cette chose ». Importe-t-il « d’étudier patiemment le
développement économique, et d’en admettre encore, avec une tranquillité hégélienne,
la douleur » ou importe-t-il de laisser bouder dans son coin ce satané développement et de s’adonner à
des occupations plus reluisantes ? Quand on croit aux loups-garous, selon
que l’on est lâche, comme les sociaux-démocrates, on évite de sortir la nuit,
ou selon que l’on est courageux, comme les situationnistes, on emporte son
fusil. Mais dans l’un et l’autre cas ce sont des précautions bien inutiles —
pas inutiles pour tout le monde, cherchez à qui l’erreur profite — dignes de
temps réputés plus superstitieux que le nôtre. Cette thèse de Debord qui a tous les aspects d’une critique de « l’économisme »
est tout à fait orthodoxe quant au credo économiste, elle est elle-même
parfaitement économiste. Elle nous parle du zeste de déterminisme qui entache
la pensée de Marx pour mieux ne pas nous parler de la caisse d’économie qui
l’encombre. Et il n’y a pas un économisme grossier que l’on pourrait opposer à
un économisme raffiné : l’économisme n’est rien d’autre que la croyance en
l’économie. Contrairement à ce qu’affirme le paragraphe 89, autre exemple de
fausse critique de Marx, « la base intellectuelle des illusions de
l’économisme » ne consiste pas à attendre trop de la prévision
scientifique mais à attendre quoi que ce soit des prévisions d’une fausse
science. Ce genre d’attente est même la base de la plupart des illusions
possibles. Et toujours contrairement à ce que dit ce paragraphe, ce n’est pas
Marx qui créa la base intellectuelle des illusions de l’économisme. Cette base
est l’économie elle-même, elle est donc une création de la classe dominante et
Marx a seulement échoué dans son renversement. Il a peut-être contribué au
renforcement de cette base en proclamant son renversement chose faite. Soit dit
en passant, cette base de l’économisme ne saurait être autre qu’intellectuelle
puisque l’économie n’est rien d’autre
qu’une chose intellectuelle, une pure pensée. À vrai dire, l’économie est non seulement la base de l’économisme,
elle est l’économisme lui-même dans la mesure où l’économie est avant tout de
la propagande pour l’économie, ou l’économie est avant tout un mensonge sur sa
nature de mensonge. Contrairement encore à ce qu’énonce ce paragraphe, si Marx
n’a pas créé la base des illusions de l’économisme, il a par contre totalement
succombé à ces illusions, de même que Debord, puisque
l’un et l’autre croient à la réalité de l’économie. Si notre correspondant a en
vue des critiques de Marx et de l’économie que selon lui nous aurions le tort
d’ignorer, j’espère qu’elles sont plus sérieuses.
La dénonciation de l’économisme, la
dénonciation de l’excès des
prétentions de la science économique — par opposition à la dénonciation de
toutes les prétentions de l’économie — est la meilleure et la dernière défense
de l’économie. Si seules les excessives prétentions de la théorie économique
sont critiquables, cela sous-entend que l’économie aurait aussi des prétentions
non excessives et donc justifiées. Cela laisse entendre que l’économie est une
science qui a un objet réel dans le monde. Or toutes les prétentions de
l’économie sont injustifiées à commencer par sa prétention à l’existence comme
simple pensée. Elle est une totale fantasmagorie au même titre que la religion
et, nous allons le voir bientôt, elle n’a même aucun des côtés révélateurs de
la religion. C’est un pur étouffoir. La dénonciation des excès de la théorie
économique comme économisme, comme abus de la supposée science économique est
l’illusion économique suprême, la ruse suprême de la pensée dominante, sa dernière
ligne de défense. Puisque nous sommes amenés à parler de la prétendue « critique
de l’économisme », ce spectacle de la critique de la théorie « économie »,
il ne faut pas oublier de parler aussi du spectacle de la critique de la
supposée « chose » économique, il ne faut pas oublier d’arroser au
passage les récentes salopes « anti-économistes » telles les Rosanpute, Vivemerde, Gorzquet, Illitch, qui sous
couvert de combattre les « effets » nocifs de l’économie n’ont
d’autre but que de renforcer les illusions dominantes sur l’existence de
l’économie. En attribuant à l’économie, en attribuant à cette chimère, les
calamités dont souffre le monde, les saints ermites accréditent l’existence supposée
de cette chimère, accréditent donc la nécessité supposée de « son
autogestion » — leur spécialité, qui au Nouvel Observateur, qui au ridicule parti socialiste, qui au Cidoc, etc. — accréditent donc la nécessité de leur gagne-pain ;
mais surtout, ils détournent ainsi — croient-ils — l’attention des véritables causes de la misère du monde
et même de la véritable nature de cette misère. Ils font en quelque sorte ce
qu’ont fait aussi Marx et Debord, mais évidemment
dans un tout autre but et surtout ils ne font que cela, eux. Ils n’ont donc
aucune des excuses qu’ont Marx ou Debord.
Et si c’est bien parce que « l’exposé de la théorie de Marx
s’est porté sur le terrain de la
pensée dominante » que cette pensée est devenue idéologique, ce n’est pas
parce qu’elle s’y est précisée « sous forme de critique de disciplines
particulières » mais bien parce que se portant sur un tel terrain elle s’y
est trouvée incapable de critiquer réellement,
avec succès, ces disciplines particulières, incapable de les réfuter, de
les renverser. Le vrai projet de surmonter l’économie n’est rien d’autre que le
projet de renverser une chimère. Et il ne demande rien d’autre que la renverser
dans la pensée, puisque c’est là qu’habitent les chimères. Encore faut-il ne
pas choisir le terrain choisi par la chimère elle-même. Qu’il s’agisse de Marx
ou qu’il s’agisse de l’I.S., ils n’ont remporté de succès théoriques que
lorsqu’ils ont choisi leur terrain : le terrain de la communication
totale, le terrain de l’histoire. Contrairement à Marx, l’I.S. ne s’est jamais
mesurée avec la pensée dominante sur le propre terrain de celle-ci. Mais elle a
entériné la souveraineté de cette pensée sur son territoire en tenant la
défaite théorique de Marx pour une victoire. Dans la théorie aussi, il est des
victoires qui sont pires que des défaites.
* * *
Il n’y a pas de réalité économique dont l’économie — en tant que théorie — serait
la connaissance certes plus ou moins imparfaite, plus ou moins vraie, plus ou
moins partiale et qu’il s’agirait donc de critiquer pour pouvoir enfin
connaître, maîtriser, ou renverser la
chose économique dont cette théorie serait la connaissance imparfaite et
partiale. Le monde n’a pas plus de réalité économique qu’il n’avait de réalité
religieuse du temps de la religion ou qu’il n’a de réalité socialiste à Moscou.
La seule réalité religieuse du monde consistait dans la religion et dans son
garant le Roi de Prusse. La seule réalité économique du monde consiste dans la
seule réalité de la pensée dominante qui s’intitule économie et dans le seul
pouvoir pratique d’illusion de cette pensée aux mains de ses garants, États,
classes dominantes et leurs valets intellectuels de gauche. Il y a seulement un
mensonge fondamental et dominant sur la réalité de ce monde et ce mensonge est
la seule chose qui soit réellement économique dans le monde. Si l’économie est
la partie centrale de quelque chose, c’est seulement comme partie centrale de
la pensée dominante, partie centrale du mensonge dominant. C’est ce mensonge
fondamental et dominant qu’il s’agit de renverser, entre autres choses, qu’il
s’agit de réfuter, d’anéantir pour parvenir à la connaissance de la réalité de
ce monde — ou plutôt à la connaissance de son peu de réalité — et surtout pour
parvenir à la pratique de la réalité.
Le vrai « projet de surmonter
l’économie » (§ 82) est un pur projet théorique — qui n’a rien à voir avec
le projet pratique insensé dont parle Debord —
puisqu’il consiste à renverser une théorie fausse, à la réfuter. Mais au sens
où l’entend funestement Debord, « le projet de
surmonter l’économie » n’est rien d’autre que l’essence même du mensonge
économique quand il porte sur lui-même. L’économie
ne fait rien d’autre que de proposer inlassablement de surmonter l’économie postulant
par là qu’elle est un moment pratique du monde. Ce faisant, l’économie ne fait
rien d’autre que de mentir indéfiniment sur sa vraie nature de mensonge tout en
mentant sur la véritable nature du monde.
Il n’y a pas de « classe des
possesseurs de l’économie » (§ 143) au sens où l’entend Debord, quoique la classe qui est propriétaire de la
communication aliénée soit aussi propriétaire des illusions sur la
communication et son aliénation, soit donc aussi propriétaire de l’économie qui
constitue la partie centrale de ces illusions. Sans plus. « La racine du
spectacle » ne peut être « dans le terrain de l’économie devenue
abondante » (§ 58) car l’économie devenue abondante ne peut être rien
d’autre que l’abondance des pensums économiques pondus par des universitaires
racornis et attardés, des Fourastié, Fossaert,
Mendel, Fabra, Marek, etc., ou l’abondance de
grossièretés économiques dans le texte de Debord,
l’abondance d’une illusion. Il peut y avoir une « contemplation du
mouvement de l’économie, dans la pensée dominante de la société actuelle »
(§ 80) mais alors c’est seulement la contemplation de la pensée dominante par
la pensée dominante, la contemplation par tous les plumitifs cités plus haut du
mouvement éditorial de leurs déjections économiques et de leurs entrecongratulations journaleuses. Maintenant, il est bien
vrai que la croyance en la domination pratique du monde par l’idée « économie » est « l’héritage
non renversé de la part non dialectique dans la tentative
hégélienne du système circulaire » .
Tout ce qui est tenu pour réel par la
pensée dominante est en fait, comme l’assurait déjà Hegel, le comble de
l’irréalité, du néant, ou bien purs fantômes, pures apparences, pures
illusions, purs rêves cauchemardesques dans cette pensée dominante ou bien
manifestations, moments, inessentiels de la réalité, manifestations et moments
irréels parce qu’arbitrairement isolés non plus seulement dans la pensée, mais
dans le monde par le monde, et de ce fait, dénués, non plus seulement dans la
pensée mais dans le monde, de toute sorte de réalité. Et là j’en appelle, comme je le ferai souvent dans cet
ouvrage, à mes frères esclaves salariés. Nous faisons chaque jour l’épreuve
amère du peu de réalité de ce qui est censé nous tenir lieu de vie, du peu de
réalité de ce qui est tenu pour réel par la pensée dominante, du peu de réalité
— non plus dans la pensée de Hegel mais dans le monde — des moments de cette
réalité auxquels nous sommes confrontés. D’une manière générale, la réalité de
ce monde, la seule réalité dans ce monde, la seule « chose même » dans
ce monde est la communication et tout ce qui se prétend chose, réalité, dans ce monde de l’aliénation n’est que moment
inessentiel, manifestation inessentielle et irréelle de cette réalité, entaché
du néant propre à tout ce qui se veut fini. Et ce n’est pas seulement
la pensée dominante qui « pose » ces moments comme finis, comme suffisants
et réels, ce sont eux-mêmes qui le font, ce sont eux-mêmes qui refusent
d’obtempérer. La réalité de ce triste monde a toujours été jusqu’à aujourd’hui
la réalité de l’aliénation de la communication, car cette aliénation est la
seule « chose » qui revendique allègrement son infinité, et
l’histoire du monde n’est autre jusqu’à présent que l’histoire des figures
concrètes de cette aliénation, hiérarchie et argent, État et marchandise.
La réalité de ce triste monde, le mode
dominant de communication dans ce triste monde est la marchandise. Et la
marchandise n’est pas économique, elle est au contraire anti-économique,
c’est elle qui rend toute économie au sens étymologique, toute administration
de la maison, impossible, qui rend nécessaires de gros et risibles traités
d’économie le jour même où tout pouvoir économique, tout pouvoir
d’administration souveraine de la maison, tout pouvoir d’État absolu a disparu
ou est menacé par ce qui ne tolère aucune limite : la marchandise.
* * *
Dans l’affrontement de ces deux modes
rivaux de communication, l’État et la marchandise, l’économie porte
parfaitement bien son nom d’ » économie politique ». L’économie est une théorie de la marchandise
du point de vue de l’État. L’économie est la réponse théorique — un recueil
de recettes de communication — de l’État face au danger que représente pour lui
le mode de communication concurrent qu’est la marchandise. Souvenons-nous : delenda Carthago. Cependant jamais cette théorie n’a réussi
jusqu’à aujourd’hui à résoudre correctement, du point de vue de l’État, le
problème menaçant que n’a jamais cessé de lui poser la marchandise.
Aujourd’hui, le nouveau Carthage, le dernier problème en date posé par la
marchandise à l’État, est la création d’un prolétariat moderne par le salariat.
Et si Carthage n’avait pas à proprement parler d’armée permanente —
contrairement à la Rome pillarde — ce nouveau Carthage est en lui-même une
armée permanente. L’État et ses valets écologistes parviendront certainement à
faire une marchandise verte, l’État parviendra même certainement avec ses
valets consommateurs de pointe et si nous lui en laissons le temps à remplacer
la marchandise vedette automobile par une autre — la marchandise culture par
exemple — et à faire une marchandise viande qui soit à nouveau mangeable. Mais
il ne parviendra jamais à faire une marchandise sans pauvres modernes.
L’ » industrialisation de
l’époque stalinienne » (§ 104) ne révèle pas « la réalité dernière de
la bureaucratie » mais celle de l’économie. Nous avons vu que l’économie
est le projet insensé de l’État pour dominer la marchandise sans la réaliser et
que ce projet se dissimule sous celui encore plus insensé de « surmonter
l’économie ». En tentant de réaliser totalement
ce projet — la survie de ce projet n’est, ailleurs, assurée que par son à peu près et son incohérence — la
bureaucratie stalinienne en révèle en fait la vérité de projet étatique. Plutôt
que 1’économie produise le besoin d’argent comme le dit improprement Marx,
plutôt que l’économie produise le spectacle comme le dit improprement Debord, quand l’économie produit quelque chose, quand cette
pensée produit quelque chose, c’est l’État stalinien. Et ce n’est pas « la
preuve de l’économie indépendante, qui domine la société au point de recréer,
pour ses propres fins la domination de classe qui lui est nécessaire », mais
la preuve de l’indépendance de deux modes de l’aliénation de la communication,
le Sud de l’État contre le Nord de la marchandise qui luttent pour le maintien
et le renforcement de leur indépendance vis‑à‑vis
de la société par l’établissement d’un impossible modus vivendi et la preuve de
leur complicité, de leur nécessité réciproque. Là où la chose ne prend pas une
tournure radicale comme avec Staline ou Hitler, s’instaure un incessant débat
pragmatique parmi la canaille dominante et ses serviteurs sur le plus d’État et
le moins de marchandise ou sur le moins d’État et le plus de marchandise qu’il
s’agit d’adopter pour un bon fonctionnement du monde. Et l’on voit se succéder
les périodes de l’un et de l’autre des deux partis, succession qui se solde en
fait par plus d’État et plus de marchandises.
Il ne peut y avoir de « gestion
totalitaire de l’économie par une bureaucratie d’État » (§ 56) sinon comme
gestion totalitaire de la pensée dominante économique par Staline auteur de
manuels d’économie et de matérialisme dialectique. Par contre, il peut y avoir
une tentative de gestion totalitaire de la marchandise par Staline ou par
Louvois, une tentative de réalisation totale du projet étatique de domination
de la marchandise en quoi consiste réellement l’économie. Dans le § 87 on voit
justement que Debord approche la solution théorique
de ce problème tout en reconduisant, bien entendu, la même erreur fondamentale
sur la vraie nature de l’économie et donc sur la vraie nature du monde. C’est
d’ailleurs là qu’il emploie sans impropriété le mot « économie » dans
le sens étymologique. « Le rôle économique de l’État » — que Marx a
négligé, et pour cause — dans la gestion de la marchandise correspond à la
réalité du projet économique et au contenu de ce projet : théorie d’une
domination de la marchandise par l’État et pratique correspondante de l’État.
Si l’économie est bien « la science
fondamentale de la société bourgeoise » (§ 84), ni Marx ni Debord ne parviennent jamais à saisir l’objet réel de cette
science (la domination de la marchandise) et son commanditaire effectif (l’État).
La réalité dominante de ce triste monde est la marchandise et l’économie est
seulement la théorie dominante de cette réalité du point de vue de l’État. Elle
doit donc enfin être critiquée pour ce qu’elle est : une pensée et
seulement une pensée. Et de plus, une pensée d’État. Quant au point de vue de
la marchandise, c’est le spectacle lui-même, cette « idéologie
matérialisée ».
* * *
Enfin si la critique de l’économie est
bien le point de départ et le préalable à toute critique de ce monde — comme en
d’autres temps ce fut le cas pour la
religion, autre théorie dominante d’un autre mode dominant de
communication — ce n’est pas comme le pensent Marx et Debord
parce que l’économie serait la partie centrale de la vie sociale, mais parce
que l’économie est la théorie dominante de cette partie centrale, le mensonge
dominant sur cette partie centrale. Et ce n’est pas l’économie en tant que
prétendue partie centrale du monde actuel — il faut laisser ce moulin à vent
aux chevaliers à la triste figure de gauche — qu’il faut renverser mais
seulement — c’est déjà beaucoup si j’en juge par la durée du règne paisible de
ce mensonge — l’économie en tant que mensonge dominant de cette partie
centrale. Si l’économie est bien le point de départ de la critique de la
marchandise — comme en d’autres temps la critique de la religion fut le point
de départ de la critique de l’État — c’est parce que l’économie est la théorie
dominante de la marchandise, le mensonge dominant sur la marchandise. Et si ce
qu’il faut renverser dans la pensée — entre autres choses — est seulement
l’économie, la théorie dominante de la marchandise, ce qu’il faut renverser
dans le monde est la marchandise elle-même. Bien entendu, en tant que pensée
dominante, l’économie est chose du monde et elle doit donc être renversée dans
le monde puisque c’est dans le monde que sont les pensées. Mais elle n’y est
cependant qu’à titre de pensée et d’action d’une pensée. Tandis que la
marchandise est le monde lui-même, le monde qui contient la théorie dominante
du monde. Et si, pour renverser dans la pensée la théorie dominante qu’est
l’économie, une théorie générale de la communication est bien suffisante, pour
renverser le monde de la communication aliénée qui a nécessité entre autres
choses cette théorie dominante, la communication totale est elle-même nécessaire.
Et ce qui est à maîtriser dans le monde n’est pas l’économie comme le pensent
Marx et les situationnistes. L’économie en tant que pensée fausse est seulement
à abattre. Ce qu’il faut dominer et maîtriser dans le monde est la substance
même de ce monde, la communication,
dont la marchandise est seulement une modalité aliénée.
Réfuter l’économie, réfuter la théorie
dominante du monde, réfuter la théorie utilitariste et positiviste du monde
n’est rien d’autre que mettre en évidence ce qui dans le monde est réel, ce qui
dans le monde agit, ce qui dans le monde est monde. C’est mettre en évidence ce
que l’économie a pour but de cacher. Et qui pourtant, depuis toujours, agit. Ce
que, contrairement à l’économie, la théorie de Hegel avait pour but de dévoiler.
Réfuter un mensonge, c’est révéler ce que ce mensonge a justement pour but de
cacher. Et que d’une certaine manière il dévoile par le soin même qu’il prend
pour le cacher.
Le mérite de Marx et son avantage sur
Hegel qui parle sans cesse du monde de la marchandise, de la logique du monde
de la marchandise, de la logique révélée
par le monde de la marchandise sans jamais pouvoir un seul instant identifier
son objet, est d’identifier le premier le véritable objet de la théorie de
Hegel. Mais le mérite de Marx s’arrête là. Contrairement à Hegel, Marx, ainsi
que les situationnistes — et qui donc n’a pas fait la même chose jusqu’ici ?
— ont continuellement confondu la chose et la théorie dominante de la chose,
ils ont sans aucun répit confondu la marchandise avec la théorie dominante de
la marchandise, ils ont confondu sans discontinuer ce qui se passe réellement
dans le monde — et dont leur vie et leurs positions révolutionnaires témoignent
que, contrairement aux intellectuels soumis, ils avaient une connaissance
pratique, une connaissance certaine — et ce que la théorie dominante dit qu’il
se passe dans le monde.