ANNEXES
Anecdote
« Quelle insolence envers moi-même ! disait-il ; pourquoi
croirais-je avoir plus d’esprit aujourd’hui que lorsque je pris ce
parti ? »
Le comte Mosca
dans La
Chartreuse de Parme.
Le 30 août
1978, nous revînmes sur toutes les
déclarations que nous avions pu faire à M. Lebovici à
propos du Tapin de Paris et en
réponse à sa lettre du 25 mai, déclarations que M. Lebovici
jugea bon pour lui de publier. Nous
avons longuement exposé dans ce qui précède les raisons qui ont présidé à notre
revirement ou plus exactement les raisons qui motivent le maintien de notre point de vue initial et le rejet de
l’objection de notre contradicteur. Cependant, nous voudrions attirer
l’attention des révolutionnaires sur un point d’histoire inédite. Nous adressâmes à M. Lebovici
quatre lettres datées des 30 août et 3, 5, 7 septembre afin de l’informer du
rejet de son objection et du maintien de notre opinion, des raisons de ce rejet
et de ce maintien, mais aussi pour lui dire ce que nous pensions, étant donné
le peu de fondement de son objection, de la complète inopportunité de la
manière et du ton qu’il se crut obligé d’employer pour nous signifier sa
désapprobation. Malheureusement, le lecteur qui le voudrait ne pourra pas
prendre connaissance de cette communication dans le premier volume de la Correspondance des éditions Champ Libre
étant donné que celui-ci se clôt sur une lettre du 11 septembre, date
manifestement antérieure, selon le calendrier réformé de M. Lebovici,
à celles des quatre lettres de notre démenti.
Le lecteur trouvera
ci-après une copie de notre affiche Le
Tapin de Paris. Cette affiche, qui devait constituer le coup d’envoi d’un
ouvrage plus développé que le présent Rapport,
a été traduite en italien par G. Brambilla et publiée
en mars 1978 par les éditions Calusca sous le titre Parigi : capitale mondiale della prostituzione intellettuale.
LE TAPIN DE PARIS
PARIS : CAPITALE MONDIALE DU TAPIN INTELLECTUEL
À la grande honte de notre
époque, 100 et 150 ans après leur mort, Marx et Hegel sont toujours d’avant-garde,
car ce qui était critiquable dans leurs théories n’est toujours pas critiqué et
ce qui était révolutionnaire dans leurs théories est toujours révolutionnaire,
car nulle part il n’a été vérifié.
Le seul usage réel de la théorie — par opposition à son usage spectaculaire
apologétique — est la critique de la théorie. Le seul usage de toute pensée
digne de ce nom est la critique de cette pensée. La pensée a pour but de donner
une forme parfaitement critiquable à tout ce qui existe, donc une forme parfaitement
critiquable à la pensée — qui existe. Le seul usage réel de la pensée de Marx
est la critique de la pensée de Marx. Le seul hommage que l’on puisse rendre à
une pensée c’est de la critiquer, de prouver donc qu’elle est critiquable, de
prouver ainsi qu’elle est une pensée digne de ce nom.
Si la pensée de Marx n’a pas
été critiquée — ne parlons même pas ici de la pensée de Hegel — ce n’est pas
parce que la pensée de Marx serait incritiquable, mais parce que ce sont des
policiers, des manipulateurs sociaux et leurs putes intellectuelles qui se sont
emparés de la pensée de Marx. Aujourd’hui il se trouve de jeunes intellectuels * pour nous expliquer que si des salopes se
sont emparées de la pensée de Marx, c’est parce que la pensée de Marx était la
pensée d’une salope. Et qu’en quelque sorte, c’est grâce à la pensée de Marx
que ces salopes ont anéanti le prolétariat ou ont profité de son anéantissement
par d’autres. Selon eux donc, Marx serait responsable de la non-critique de sa
propre pensée. Des salopes n’allaient pas s’aviser, bien entendu, de critiquer
la pensée d’une des leurs.
La vérité est, bien
évidemment, tout autre. Ce n’est pas parce que la pensée de Marx serait
policière ou que Marx lui-même aurait été un manipulateur social ou une pute
intellectuelle — il n’a jamais enseigné à l’université de Besançon, il n’a
jamais été maoïste, il n’a jamais fait de conférence au musée Pompidou, il n’a
jamais suivi les cours d’Althusser — que des policiers, des manipulateurs
sociaux et leurs putes intellectuelles se sont emparés de la pensée de Marx,
mais parce que ceux qui pouvaient critiquer la pensée de Marx et qui de toute
façon la critiqueront, avaient été anéantis. Par contre, ce sont bien ceux qui
n’ont pas critiqué la pensée de Marx qui ont écrasé le prolétariat ou qui ont
profité de son écrasement par d’autres. Mais ce n’est pas grâce à la pensée de
Marx qu’ils ont écrasé le prolétariat, c’est grâce à l’écrasement du
prolétariat qu’ils ont pu faire que cette pensée demeure non critiquée, de même
qu’ils ont pu faire que ce monde demeure non critiqué. Ce n’est pas parce que
Marx serait une salope qu’ils n’ont pas critiqué la pensée de Marx. C’est parce
qu’ils sont des salopes qu’ils n’ont pas critiqué la pensée de Marx. C’est au
contraire parce que la pensée de Marx est non seulement éminemment critiquable,
mais encore éminemment critiquable par les prolétaires, qu’il était vital pour
leurs dominateurs que cette pensée demeure non critiquée, qu’il était vital
pour ceux-ci de s’emparer justement de cette pensée et non de n’importe quelle
autre. En ce qui concerne la théorie comme en ce qui concerne tout ce qui
existe, le but des classes dominantes est que rien ne soit critiqué. Aussi,
après l’écrasement de ceux qui pouvaient critiquer la pensée de Marx — et non
seulement cette pensée mais le monde qui la contient — ce fut une tâche
essentielle pour les classes dominantes de tenter de donner à cette pensée
elle-même une forme incritiquable. Pour donner une forme incritiquable au monde
elles avaient déjà leur police. Pour donner une forme incritiquable aux pensées
elles-mêmes — deux précautions valent mieux qu’une — elles ont eu leurs putes
intellectuelles.
Il est dans notre époque
quelque chose encore plus honteux que l’époque elle-même, ce sont les putes
intellectuelles, ces fameux intellectuels de gauche payés en sous-main par les
classes dominantes — fort mal d’ailleurs, c’est là que réside principalement
leur ignominie — pour produire des déjections intellectuelles qui, elles, sont incritiquables, car elles
ont pour but, au contraire de la théorie, d’être incritiquables, d’entretenir
la confusion et de déclarer incritiquable toute pensée digne de ce nom. À
travers les cris de contestation, les classes dominantes savent reconnaître
tout de suite ceux qui ne demandent qu’un emploi. Ce sont ces générations de
putes intellectuelles qui n’ont pas critiqué la pensée de Marx, ce sont ces
générations de putes de gauche dont le métier a consisté positivement à ne pas critiquer la pensée de Marx, parce que leur
métier consistait à ne rien critiquer de ce monde et à veiller, au moins en ce
qui concerne les idées, à ce que rien ne soit critiqué ; et tout cela
parce qu’elles recevaient leurs salaires — bien maigres au demeurant puisqu’ils
consistent en de pauvres places assorties de vains espoirs de dominer soi-même
un jour ce prolétariat tant convoité, vains espoirs aujourd’hui totalement
évanouis — de ceux dont le but est de ne rien critiquer de ce monde puisque c’est
celui où s’étend leur domination.
Aujourd’hui, la critique du
monde par les prolétaires a repris malgré toutes les polices de gauche et
malgré tous les mensonges de gauche. La critique de la pensée de Marx a repris
elle-même et menace même de menacer ceux qui ont impunément et pendant si
longtemps travaillé à son empêchement. Les mensonges de collégiens des jeunes
gens de la rue d’Ulm ont donc pour but d’éviter — tout en sauvegardant leur
emploi — d’embarrassantes questions ainsi que leurs non moins embarrassantes
réponses. Ainsi, par exemple, pourquoi autrefois
— du temps qu’ils étaient jeunes « vieilles putes intellectuelles » —
n’ont-ils pas critiqué cette tellement néfaste et maléfique pensée de Marx ?
Cette question n’admet que deux réponses. Ou bien ils n’ont pas critiqué cette
terrible pensée parce qu’elle est terriblement incritiquable. Ou bien ils n’ont
pas critiqué cette terrible pensée parce qu’ils étaient terriblement putes intellectuelles. C’est bien évidemment la seconde réponse
qui est la bonne. Et cette autre question : pourquoi aujourd’hui font-ils seulement semblant de critiquer la pensée de
Marx ? Cette question, elle aussi, n’admet que deux réponses. Ou bien ils
font seulement semblant de critiquer la pensée de Marx parce que, la pensée de
Marx étant la pensée d’une salope, elle ne mérite donc d’autre traitement que
celui que l’on applique aux incritiquables déjections des putes intellectuelles :
là les insultes suffisent grandement. Ou bien ils font seulement semblant de
critiquer la pensée de Marx parce qu’ils sont toujours des putes
intellectuelles qui ont pour but que cette pensée continue à ne pas recevoir de
critiques dignes d’elle ; parce qu’ils sont payés pour cela et que c’est
le seul travail qu’ils savent faire. Ici aussi, c’est la seconde réponse qui
est la bonne. Mais ces questions ne sont que des cas particuliers d’une
question plus générale : pourquoi ne critiquent-ils jamais rien dans ce
monde, si ce n’est illusoirement ? Ou bien c’est parce que ce monde est
incritiquable. Ou bien c’est parce qu’ils sont des putes intellectuelles. Là
encore, c’est la seconde réponse qui est la bonne. L’I.S. et les ouvriers de
Gdansk, de Budapest, de Soweto, de Dakar, de Radom, du Portugal, d’Italie et de
bien d’autres pays, ont amplement démontré la fausseté de la première, tant sur
le plan théorique que sur le plan pratique. Pour critiquer la pensée de Marx,
il ne faut pas seulement connaître cette pensée, il faut critiquer le monde qui
la contient. C’est seulement si l’on critique ce monde que l’on peut critiquer
les théories de ce monde. Et critiquer réellement
ce monde quand on est un intellectuel, c’est — comme Marx le fit exemplairement
— se déterminer à être absent là où
sont absents les ennemis réels de ce
monde, à être absent, donc, là où grouillent les putes intellectuelles. Comment
une pute intellectuelle pourrait-elle critiquer la pensée de Marx, c’est-à-dire
critiquer une partie de ce monde, alors qu’elle accepte tout le reste de ce
monde avec une prédilection marquée pour le plus ignoble et le plus honteux. Si
l’on peut à la rigueur reprocher à Marx de n’avoir pas été plus critique — ce
qui est un peu reprocher à Beethoven de n’avoir pas fait lui-même le silence
dans la musique et à Rembrandt de n’avoir pas peint lui-même Carré noir sur fond blanc et qui suppose
que l’on ait soi-même quelque chose qui soutienne la comparaison avec Beethoven
et Rembrandt — on ne peut en aucun cas reprocher à Marx d’avoir élaboré une
pensée incritiquable, à moins de n’être soi-même une pute intellectuelle, car
il n’est pas de pensée digne de ce nom qui soit incritiquable, il n’est que des
putes intellectuelles payées pour ne pas critiquer. Marx n’a jamais gardé les
cochons théoriques avec les putes intellectuelles, ni avec les maîtres des
putes intellectuelles.
Les temps ont trop changé. Des
régiments de putes intellectuelles jeunes ou vieilles, n’empêcheront pas que la
pensée de Marx soit critiquée et le reste du monde avec. Les putes
intellectuelles jeunes ou vieilles possèdent en propre et en exclusivité leur
ignominie. Elles constituent à elles seules la honte de notre époque. C’est
seulement parce que notre époque les contient que notre époque est honteuse. Rien ne les a jamais empêchées de
critiquer, rien si ce n’est les places
honteuses qu’elles occupent dans le monde ou les places honteuses qu’elles
convoitent d’occuper. On peut être tenté d’objecter que quelque chose empêcha, autrefois, les putes intellectuelles de
critiquer la pensée de Marx ; sinon cette pensée elle-même, du moins leur
propre bêtise liée à la dureté d’une époque qui voyait un prolétariat réduit au
silence. Mais quand bien même, rien
alors n’obligeait les putes intellectuelles à ouvrir leurs gueules pour
répandre des saloperies marxeuses, rien sinon les places honteuses qu’elles
convoitaient, puisque le prix qu’elles avaient à payer pour
obtenir ces places dans un futur incertain était justement de répandre des
saloperies marxeuses. Leur honte se trouve au
contraire accrue du fait qu’elles aient choisi une époque où des millions d’hommes
étaient réduits au silence pour ouvrir leurs gueules de salopes de gauche.
C’est même très précisément ce silence qui leur a permis de l’ouvrir, de même
que c’est le contraire de ce silence qui va la leur fermer. On comprend donc
leur rage récente à faire partager, voire endosser dans son entier, leur
ignominie par la pensée de Marx — quand ce n’est pas par la personne de Marx
comme le voudrait la pute intellectuelle femelle Françoise Lévy. On comprend
donc aussi que les « nouvelles » putes intellectuelles soient plus
portées à nous entretenir de toutes sortes de choses dans leur style habituel
de pute intellectuelle, plutôt que de leur propre ignominie du temps qu’elles
étaient jeunes « vieilles putes intellectuelles ». Voilà au moins un
point de la pensée de Marx qui se trouve parfaitement vérifié : ce que
pensent les personnes est déterminé
par la place qu’elles occupent dans le monde ou qu’elles convoitent d’occuper.
Les personnes qui occupent des places de pute intellectuelle ont des pensées de
pute intellectuelle. Cependant, les seules personnes qui sont, dans ce monde,
obligées de faire ce qu’elles font et d’occuper les places qu’elles occupent
sont les travailleurs contraints d’aller dans les usines et dans les bureaux.
Tout le problème consiste d’ailleurs pour les classes dominantes et pour leurs
putes intellectuelles à les y contraindre. Rien
donc n’a jamais obligé une pute intellectuelle à occuper une place de pute
intellectuelle, rien si ce n’est sa
propre bassesse, sa propre putasserie, son propre goût pour les places
honteuses. Rien donc ne saurait
effacer la honte d’une pute intellectuelle.
* Il
s’agit des néo-putes intellectuelles Benoist, Dollé, Glucksmann, Jambet, Lardreau, Le Bris, Lévy, Lévy, Sollers, etc. pour la
plupart issues du célèbre bordel de la rue d’ Ulm qui vit passer tant et tant
de putes intellectuelles maintenant vieillies. Ces jeunes putes intellectuelles
ont précipitamment abandonné sans aucun égard leurs vieilles maîtresses
Althusser et Mao. Si toutes ne sont pas si jeunes, par contre, toutes sont très
putes. On doit quand même leur reconnaître un avantage : certaines d’entre
elles parviennent au moins à se faire payer moins médiocrement leurs services,
ce en quoi elles sont, sur ce point, déjà moins méprisables que leurs aînées.
Quand on fait un sale métier, autant le faire salement. Ce changement
s’explique d’ailleurs par le fait que les chimériques espoirs de dominer un
jour eux-mêmes le prolétariat qui servaient de compensation aux maigres
sinécures des intellectuels de gauche se sont complètement envolés. Aussi, tant
qu’à tapiner, autant se faire payer comptant et bien. D’autre part, cela
explique l’amertume qui s’est emparée du tapin intellectuel parisien. Tant
d’ingratitude payait donc tant de bons services honteux et si souvent gratuits.
L’angoisse saisit toute vieille pute intellectuelle devant le frais minois
d’une gironde jeune pute intellectuelle. C’est le seul côté amusant de
l’affaire, car les vieilles putes intellectuelles ont âprement défendu leur
coin de trottoir intellectuel ce qui donna lieu à de pittoresques crêpages de
chignons intellectuels. Comme dit Villon : « Il n’est bon bec que de
Paris ».
MARX BUSINESS
Sous certains
rapports, le monde a fort peu changé depuis Marx : les idées dominantes
sont toujours les idées de la classe dominante. Mais surtout, les idées qui
dominent aujourd’hui sont les mêmes que celles qui dominaient du temps de Marx,
ce qui est fort peu étonnant car la classe qui domine aujourd’hui est la même
que celle qui dominait du temps de Marx. Ce qui a changé par contre, c’est que
ces mêmes idées dominantes dominent beaucoup plus aujourd’hui qu’elles ne
dominaient du temps de Marx. Et ceci non plus n’est pas étonnant, car la classe
dominante domine aujourd’hui beaucoup plus qu’elle ne dominait du temps de
Marx. Ce qui entraîne que tant la classe dominante que les idées de la classe
dominante sont plus près de la fin de leur domination qu’elles ne l’étaient du
temps de Marx car, si elles dominent plus puissamment, elles dominent aussi
plus explicitement, laquelle comme
classe, lesquelles comme idées. L’économie est la pensée de la classe qui
dominait du temps de Marx et qui domine toujours aujourd’hui. L’économie est la
pensée qui dominait du temps de Marx et qui domine toujours aujourd’hui. Malgré les apparences — et l’on sait la
funeste puissance pratique de ces apparences — Marx n’a jamais critiqué
l’économie.
L’économie
est à la marchandise ce que la religion fut à l’État. À la suite de la
religion, l’économie est le plus puissant mensonge jamais élaboré par une
classe dominante, c’est-à-dire le mensonge qui a atteint la plus grande force
pratique par la pénétration du plus grand nombre d’esprits. De même que la
religion prétend remédier aux mauvais côtés du monde sans remédier à ce monde
lui-même, de même l’économie a pour but d’éliminer les mauvais côtés de la
marchandise sans éliminer la marchandise elle-même. Mais tandis que la religion
prétend remédier au mauvais côté du monde seulement dans l’au-delà, l’économie
prétend remédier aux mauvais côtés de la marchandise ici-bas. De même que la
fonction réelle de la religion (la fonction réelle et non plus la fonction
autoproclamée) est d’interdire la critique réelle du monde réel d’ici-bas, la
fonction réelle de l’économie est d’interdire la critique réelle de la
marchandise. De même que la critique de l’État par Marx ne fut possible que par
la critique de la religion, la critique de la marchandise n’est possible que
par la critique de l’économie. Mais de même que Hegel, l’Athée et l’Antéchrist,
pour avoir critiqué la religion d’un point de vue religieux ne put critiquer
l’État, Marx, le révolutionnaire, pour avoir critiqué l’économie d’un point de
vue économique ne put critiquer sa vieille ennemie la marchandise. La critique
de l’économie est le préalable à toute critique moderne de la marchandise.
Si le
révolutionnaire Marx n’a pas pu critiquer l’économie, ce n’est pas faute
d’avoir essayé. Le but de la théorie est de donner à tout ce qui existe une
forme critiquable, donc une forme critiquable à la théorie — qui existe. Et
Marx a au moins réussi sur le point de donner une forme parfaitement
critiquable à la théorie dominante. S’il n’a pas réussi à critiquer l’économie,
s’il n’a pas réussi, donc, à donner une forme critiquable à la marchandise
elle-même, il a su donner cette forme critiquable à l’économie. De même qu’un
des mérites de Hegel est d’avoir donné une forme parfaitement critiquable à la théorie
de la religion et de l’État, un des mérites de Marx est d’avoir donné une forme
parfaitement critiquable à l’économie, d’avoir poussé l’économie dans ses
derniers retranchements et de lui avoir donné ainsi une forme parfaitement
inacceptable, sauf par les manipulateurs sociaux et les policiers. De même que
du temps de Marx et de Feuerbach, et grâce à Hegel, la critique de la religion
et de l’État consista dans la critique de la pensée de Hegel, aujourd’hui et
grâce à Marx la critique de l’économie consiste dans la critique de la pensée
de Marx. La critique de la pensée de Marx est le préalable à toute critique.