Réponse à MM. Alain Soral
et Youssef Hindi
Le 5 novembre 2023, sur le site d’Égalité et Réconciliation, M. Soral
publiait le texte suivant :
Antisémitisme, antijudaïsme, antisionisme…
Ce qui est
interdit, ce qui est autorisé.
Petit rappel
des définitions et de leur validité...
Publié le : dimanche 5 novembre 2023
Modifié le : lundi 6 novembre 2023
Auteur : Alain Soral
L’antisémitisme
désigne les sémites. Et le sémitisme est une théorie linguistique qui désigne
les peuples qui pratiquent une langue sémitique.
L’antisémitisme
est donc un terme particulièrement impropre pour parler des juifs, puisque les
sémites de très loin les plus nombreux sont les Arabes...
Le terme
sémite est d’autant plus impropre pour parler des Israéliens, étant donné que
la plupart des juifs d’Israël sont originaires d’Europe centrale, quand ils ne
sont pas des Berbères judaïsés, soit des juifs du Maghreb appelés Séfarades…
Par
ailleurs, la loi française, sur le fondement de la laïcité, qui est la
séparation des Églises et de l’État, soit la neutralité en matière de religions
(il n’y a pas en France de religion officielle) nous donne le droit de critiquer
toutes les religions présentes sur notre sol.
Et comme il
en va de la libre critique du catholicisme et de l’islam – particulièrement
virulente ces dernières années –, la loi française nous donne également le
droit de critiquer le judaïsme, d’être donc judéo-critiques, voire, judéophobes (soit d’avoir peur du judaïsme).
De même, la
loi française nous donne le droit de critiquer la politique d’un État quel
qu’il soit (il n’y a pas d’État sacré) et donc d’être antisioniste : soit
de critiquer la politique de l’État d’Israël.
On a donc,
selon la loi française, le droit d’être judéocritique
et judéophobe (de ne pas aimer et d’avoir peur de la
religion juive) et d’être antisioniste (de ne pas aimer et d’avoir peur de la
politique d’Israël).
En revanche,
le racisme – défini comme incitation à la haine raciale – est interdit, mais il
est utile de rappeler que si le judaïsme est un racisme (par la notion de
peuple élu dont l’élection s’acquiert et se transmet fondamentalement par le
sang), les juifs ne constituent pas une race…
Dès lors,
pourquoi continuer à parler d’antisémitisme, terme impropre, quand il s’agit
explicitement d’antisionisme et d’antijudaïsme ? D’autant plus que le
sionisme et le judaïsme sont à la fois profondément liés et profondément éloignés
des valeurs chrétiennes dont sont issus les droits de l’homme ?
Quant aux
notions de « communauté juive » ou de « peuple juif »,
quand il ne peut s’agir, sur le sol de France et selon le même droit français,
que de « Français de confession juive » en vertu de la liberté de
culte, ces deux expressions, reprises à longueur de temps par les médias, sont
tout aussi infondées et abusives que celle d’antisémitisme…
Venons-en
enfin à l’argument – sans aucun fondement juridique – selon lequel
l’antisionisme ou l’antijudaïsme serait de l’antisémitisme (pris dans le sens
de racisme) déguisé. Un argument parfaitement réversible, puisque, selon ce
même principe abusif, toute critique de l’islam pourrait être qualifiée de
racisme anti-arabe déguisé, et toute critique du catholicisme, de haine
déguisée de notre culture et de notre civilisation françaises, en vertu de la
place tenue par le catholicisme dans l’histoire de notre pays… Ce qu’évidement
personne n’aurait l’outrecuidance de prétendre !
Alain SORAL
Samedi 4 novembre 2023
*
* *
« L’antisémitisme désigne les
sémites. » Voilà un texte qui commence mal. L’antisémitisme ne
désigne pas les sémites. L’antisémitisme désigne les Juifs.
– « antisémitisme n.m. - 1866. Racisme
dirigé contre les Juifs. » (Le nouveau Petit Robert de la langue
française)
– « antisémitisme n.m. Doctrine ou
attitude d’hostilité systématique à l’égard des Juifs. » (Le Petit
Larousse illustré)
– « antisémitisme, subst. masc. Hostilité manifestée à la race juive et érigée parfois en
doctrine ou en mouvement réclamant contre les juifs des mesures
d’exception. » (CNRTL, Centre National de Ressources Textuelles et
Lexicales, https://www.cnrtl.fr/)
M. Soral de poursuivre : « Et le sémitisme est une théorie linguistique qui
désigne les peuples qui pratiquent une langue sémitique. » Voilà un texte
qui continue tout aussi mal.
Le sémitisme n’est pas une théorie linguistique.
– « sémitisme n.m. Ensemble de caractères propres aux Sémites,
à leur civilisation, à leurs langues, etc. » (Le nouveau Petit Robert de la langue française)
–
« sémitisme n.m. Ensemble
de caractères propres aux Sémites, à leur civilisation. » (Le Petit Larousse illustré)
–
« sémitisme, subst. masc.
A. −
1. Civilisation(s), éthique(s), philosophie(s) des
sémites.
2. P. méton.
a) Les sémites, en particulier les juifs et les arabes.
b) Les sémites, en tant que groupe ethnique.
c) Le sémitisme de qqc./qqn. Le caractère sémite (et, plus particulièrement, juif) de
quelque chose/quelqu’un. Le sémitisme de
Swann (Proust,
Temps retr., 1922, p. 944).
B. − ling. Tournure,
construction ou forme propre aux langues sémitiques ou introduite dans une
langue indo-européenne par emprunt à une langue sémitique, spécialement à
l’araméen et à l’hébreu. » (CNRTL)
Voilà. Quand Proust parle du sémitisme de Swann dans Le Temps retrouvé, il ne parle pas de
théorie linguistique. Et dans le livre de Bernard Lazare L’Antisémitisme, son histoire et ses causes paru chez Kontre Kulture, on peut lire à la
page 24 : « Mais il nous faut venir aux temps de l’expansion des
Juifs à l’étranger pour pouvoir observer avec certitude cette hostilité qui se
manifesta contre eux, et que l’on a nommée de nos jours, par un singulier abus
des mots, l’antisémitisme. » L’antisémitisme
est bien une hostilité à l’égard des Juifs et non pas une hostilité à l’égard
des Sémites. D’ailleurs c’est bien parce que l’antisémitisme désigne les Juifs
en particulier et pas les Sémites en général que Bernard Lazare parle d’un abus
de mots.
Ce petit rappel des définitions étant correctement posé, poursuivons la
lecture du texte de M. Soral.
« L’antisémitisme est donc un terme particulièrement impropre pour
parler des juifs, puisque les sémites de très loin les plus nombreux sont les
Arabes... » Donc pour M. Soral, l’antisémitisme
désigne bien l’hostilité à l’égard des Sémites en général et pas l’hostilité à
l’égard des Juifs en particulier. Puis il enfonce le clou : « Le terme sémite est d’autant plus impropre pour parler des Israéliens,
étant donné que la plupart des juifs d’Israël sont originaires d’Europe
centrale, quand ils ne sont pas des Berbères judaïsés, soit des juifs du
Maghreb appelés Séfarades… » Pour M. Soral le
terme sémite est donc doublement « impropre » en quelque sorte
puisque la majorité des Sémites sont arabes et que les Juifs ne sont pas des
Sémites. Pas de chance, si le terme est impropre c’est qu’il désigne
l’hostilité envers les Juifs, quand bien même ceux-ci seraient berbères,
turco-mongols, eskimos ou quoi que ce soit d’autre. Il suffit
d’ouvrir un dictionnaire de la langue française, ce que toute personne qui a la
prétention d’être écrivain se doit de faire de temps en temps.
À partir de telles prémisses M. Soral se lâche. La
loi française, sur le fondement de la laïcité, nous donnant le droit de
critiquer toutes les religions présentes sur notre sol, elle nous donne le
droit de critiquer le judaïsme tout aussi bien, le droit donc d’être
« judéo-critique » (ne pas aimer la religion juive) et « judéophobe » (soit d’avoir peur de la religion juive).
Avant
d’aller plus loin, il faudrait quand même
une fois pour toute s’aviser de ce que les mots ont un sens. Et arrêter de
confondre systématiquement le sens d’un mot avec son étymologie.
Si le terme judéophobe n’est pas encore apparu dans
mon Petit Robert de 2007 (pas plus que les termes transphobe,
grossophobe, glossophobe,
etc.), je constate que le terme islamophobe y figure : « forme
particulière de racisme dirigé contre l’islam et les musulmans (…) » Il
s’agit donc bien d’une hostilité à l’égard des musulmans et pas du tout d’une
« peur » des musulmans. M. Soral veut-il
nous faire savoir qu’il entend le grec ?
Dans le
Petit Robert la xénophobie est une hostilité à ce qui est étranger. Idem pour
le Petit Larousse. Idem pour le CNRTL. Être xénophobe ce n’est pas avoir
« peur » des étrangers, de même que dire du coton qu’il est
hydrophile ne veut pas dire qu’il est un « ami » de l’eau. Quand Mme
Badinter nous dit qu’il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe, elle ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir
peur de dire qu’on a peur des
musulmans, mais qu’il ne faut pas avoir peur de dire qu’on est hostile aux musulmans et à leur
religion. Creusez donc le mot pédophile pour voir. Être judéophobe,
s’il faut absolument que le terme existe, c’est donc entretenir une forme
particulière de racisme dirigé contre le judaïsme et les juifs. Et ça ne nous
éloigne pas tellement de l’antisémitisme bien compris. Le CNRTL nous
donne : « judéophobe, adjectf. Hostile aux Juifs. »
M. Soral poursuit en nous indiquant qu’on ne peut pas parler
de « racisme défini
comme incitation à la haine raciale » en ce qui concerne les Juifs puisque ceux-ci ne constituent pas une
race. Là encore ce n’est pas de chance. Le racisme n’est pas nécessairement une
incitation à la haine raciale. Le racisme, pour le Petit Larousse est, soit une
« 1. idéologie
fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains,
les “ races ” ; comportement inspiré par cette idéologie »,
soit une « 2. attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie
déterminée de personnes », le racisme anti-jeunes par exemple. Le CNRTL
nous donne : « 2. Attitude d’hostilité pouvant aller jusqu’à la violence, et
de mépris envers des individus appartenant à une race, à une ethnie différente
généralement ressentie comme inférieure. Racisme
anti-juif. » Il existe donc
bel et bien un racisme anti-juif, quand bien même les Juifs ne constitueraient
pas une race. D’ailleurs à ce compte-là le terme racisme ne s’appliquerait en
aucun cas puisqu’il est strictement interdit par la bonne pensée, sous prétexte
de « validité scientifique », d’admettre l’existence d’une race
humaine quelconque. On a bien tenté de supprimer le mot race de la
constitution. Va-t-on maintenant tenter de le supprimer du dictionnaire ?
M. Soral essaye d’aller au bout. « Dès lors, pourquoi
continuer à parler d’antisémitisme, terme impropre, quand il s’agit
explicitement d’antisionisme et d’antijudaïsme ? » Ah ! Comme il
s’obstine à considérer que le terme antisémitisme est impropre, il essaye
maladroitement de le remplacer par le terme antijudaïsme sans même s’aviser de
ce que les deux termes sont synonymes. « antijudaïsme, subst.
masc. Opposition
marquée à l’égard de la pensée ou de l’action des juifs ; en partic.
à l’égard de la religion juive (voir aussi antisémitisme). »
(CNRTL)
Les termes
antisémitisme, judéophobie et antijudaïsme sont donc
des termes synonymes (qui ont une signification très voisine et, à la limite,
le même sens, si les mots ont encore un sens justement). Et donc si le sionisme
(qu’il soit d’origine athée ou religieuse) s’inspire d’une religion que l’on
peut, à tort ou à raison, qualifier d’immonde, ce qui est de l’antijudaïsme, ne peut-on pas dire que l’antisionisme est
un antijudaïsme, c’est-à-dire pour finir un antisémitisme ?
De là est
toute la question. Ce qu’il faudrait pouvoir dire en fait, c’est qu’il ne faut
pas avoir peur de se faire traiter d’antisémite. Mais bon je reconnais qu’il
faut être courageux. M. Ryssen nous a montré ce
qu’il en coûte, ne serait-ce que d’essayer. Ce n’est quand même pas une raison
pour triturer le sens des mots à hue et à dia. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les
mots pour le dire arrivent aisément.
D’après
André Maurois dans Prométhée ou la vie de
Balzac, sur la table de travail de Balzac, rue Basse, ne reposait qu’un
seul livre : un dictionnaire français.
https://paris-promeneurs.com/la-rue-berton-et-la-sortie-derobee-d-honore-de-balzac/
* * *
Dans une
interview donnée au Média en 4-4-2 l’essayiste Youssef Hindi n’est pas en
reste. (https://www.youtube.com/watch?v=r7UeBf0yWVU&t=3441s)
À la fin de
la vidéo, vers 1:01:01, à la question de l’intervieweuse
« Qu’aimeriez-vous dire à toutes ces personnes qui vous accusent d’être
antisémite ? » M. Hindi répond à peu près dans ces termes :
« Il y a eu une OPA sur le terme sémite. Les Juifs ashkénazes ne sont
pas sémites. Les Juifs berbères ne sont pas sémites. Moi je suis un Berbère du
Maroc, mais pas sémite. (…) Donc y’a pas beaucoup de Sémites en fait chez les
Juifs, donc on peut parler d’antijudaïsme. Les Juifs pensent qu’ils sont les
descendants des Hébreux, donc ils pensent qu’ils sont véritablement sémites.
(…) Donc le discours racialiste il n’est pas de mon
côté, il est plutôt du côté des Juifs qui se considèrent comme appartenant à
une race particulière. (…) Je dis non, les Juifs sont les descendants de peuple
convertis, ils ne sont pas sémites (…) Donc Si le racisme est quelque part, il
est plutôt du côté des gens comme Netanyahou et de tous ceux qui défendent la
politique théologico-raciale israélienne. Moi personnellement
je ne considère pas les Juifs comme appartenant à une race, donc je ne peux pas
être antisémite puisque pour moi la race juive n’existe pas. Par contre la
religion juive existe, et effectivement dans la religion juive il y a l’idée
d’un peuple race, élu etc. Mais ça c’est eux qui y croient, moi j’y crois pas.
Moi je peux combattre une idéologie ou une religion. Votre projet me concernant
est plutôt hostile et j’ai pas envie d’y adhérer et je
m’y oppose. Mais moi personnellement quand j’ai un Juif face à moi je ne dis
pas que j’ai face à moi un descendant de Moïse, pour moi c’est clair qu’il est pas descendant des Hébreux. »
Comme on peut le constater, nous avons le même genre de gloubi-glouba que chez Soral. « Les
Juifs ne sont pas sémites donc il faut plutôt parler d’antijudaïsme. Je ne
considère pas les Juifs comme appartenant à une race donc je ne peux pas être
antisémite (ou raciste) puisque pour moi la race juive n’existe pas »,
etc.
Pour M. Hindi l’antisémitisme serait donc l’hostilité à l’égard des Sémites
en général, il préfère parler d’antijudaïsme plutôt que d’antisémitisme, le
racisme ne s’appliquerait qu’aux races, etc. Pourtant quelques minutes avant
(47:47), dans la même interview, à la question de l’importation du conflit
israélo-palestinien en France et de la montée de l’antisémitisme, M. Hindi
répond à peu près ceci : « Pour ce qui est de cette histoire
d’antisémitisme, je rappelle qu’il y a de très nombreux cas de faux
antisémitisme, beaucoup d’agressions depuis une quinzaine, une vingtaine
d’années sont des fausse agressions (…) Un groupe d’extrémistes sur What’s app, un groupe qui
s’appelle « Israël vaincra » dont un des membres du groupe est un
fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur, et dans ce groupe-là, dans les
discussions ils parlent de faire des actes antisémites pour faire monter les
tensions. Donc malgré l’importation du conflit on se rend compte qu’ils sont
obligés de créer des actes antisémites pour en fait amener les Français à
soutenir Israël dans cette épuration ethnique. »
À écouter M.
Hindi dans cette partie de l’interview, on a bien l’impression qu’il parle de
l’antisémitisme entendu comme une hostilité à l’égard des Juifs en particulier.
Difficile de s’y retrouver. C’est ce que tentera de faire Éric Verhaeghe dans une autre interview que M. Hindi lui accorde
pour le Courrier des Stratèges.
Tout au long
de l’interview, M. Verhaeghe essaye d’être clair et
précis afin que « tout le monde comprenne bien » comme il le dit lui-même.
L’interview commence à 3:45 environ :
Question : « Est-ce que être antisioniste
c’est forcément être antisémite ou antijuif ? »
La question
ainsi posée nous laisse perplexe. Si le terme antijuif ne figure pas encore
dans mon Petit Robert de 2007 et dans mon Petit Larousse de 1993, je peux lire
dans le CNRTL :
« antijuif, ive, adj.
Hostile, opposé aux juifs. Synon. antisémite :
1. Précieusement, il collectionne
toutes les chansons antijuives, tous les portraits en couleur des
généraux, toutes les caricatures de « bouts coupés ». Car Joseph est violemment antisémite ... Il fait partie de toutes
les associations religieuses, militaristes et patriotiques du département. Il
est membre de la jeunesse antisémite de Rouen, membre de la vieillesse antijuive
de Louviers, ... Mirbeau Le Journal d’une femme de chambre, 1900, p.
120.
Rem. 1. Emploi subst. dans le titre d’un
journal :
2. En venant déjeuner, hier, le
général Mercier a dit à Jean : « Eh bien, mon brave Jean ? » Mon brave
Jean ! ... Jules Guérin, dans l’Anti-juif, a écrit, sous ce
titre : « Encore une victime des Youpins ! », ceci : « Notre
vaillant camarade antisémite, M. Jean ... etc. » Mirbeau Le Journal
d’une femme de chambre, 1900 p. 159.
Rem. 2. Antisémite/antijuif. Comme le montrent les ex., les deux
mots se distinguent principalement par le niveau de langue, antisémite
étant plus savant qu’antijuif ; antisémite a en outre une
coloration pol. et possède
un anton. (philosémite)
qui manque à antijuif.
synt. Discours antijuif ou prohébreu (M. Proust, Sodome et Gomorrhe,
1922, p. 1107), émeutes antijuives (G. Clemenceau, L’Iniquité,
1899, p. 172), journaux antijuifs (G. Clemenceau, L’Iniquité,
1899, p. 76), judaïsme antijuif (G. Clemenceau, L’Iniquité, 1899,
p. 448), manifestants antijuifs (G. Clemenceau, L’Iniquité, 1899,
p. 182), passions antijuives (G. Clemenceau, L’Iniquité, 1899, p.
181), mesures antijuives (E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux
cents francs, 1945, p. 34). »
Dans sa
question M. Verhaeghe semble donc faire une
différence entre « antisémite » et « antijuif » là où
manifestement il n’y en a pas. M. Verhaeghe utilise
peut-être les deux termes pour être sûr d’avoir une réponse claire. Voyons donc
la réponse de M. Hindi :
Réponse : « Alors absolument pas,
pourquoi ? Parce que le problème c’est que les sionistes font un amalgame
entre sionisme et judaïsme en sous-entendant en fait que le peuple juif est un
peuple-race. »
Là M. Verhaeghe interrompt M. Hindi : « Expliquez-nous
ce qu’est un peuple-race ? ». Ce qui permet à M. Hindi de se perdre
dans de savantes considérations sur le peuple hébreu qui, nous explique-t-il,
dans la Bible hébraïque, certes est issu de Sémites, mais se distingue des
peuples alentour. « Or cette conception nous est imposée, on est censé
admettre qu’il y a un peuple juif qui est un peuple-race. » Mais M. Hindi
nous assène que la majorité des Juifs dans le monde ne sont pas des descendants
des Hébreux. « Ils ne sont même pas sémites, la plupart d’entre eux sont
des non-Juifs, des non-Hébreux. »
« La
plupart des Juifs dans le monde sont des non-Juifs, euh… des
non-Hébreux. » On voit que M. Hindi commence lui-même à s’emmêler
sérieusement les pinceaux. Et comme M. Verhaeghe
a malencontreusement interrompu M. Hindi avec sa question sur le peuple-race,
on s’éloigne de la question de départ (et qui nous intéresse au premier chef),
à savoir : « Est-ce que être antisioniste c’est forcément être
antisémite ou antijuif ? ».
M. Verhaeghe poursuit : « Mais ils viennent d’où
alors ? »
Ben oui,
c’est vrai ça ! Ils viennent d’où les Juifs s’ils ne sont pas les
descendants des Hébreux ? Réponse de M. Hindi qui a bien tout lu le
gauchiste avéré Shlomo Sand : Juifs Ashkenazes =
Khazars convertis, Juifs du Maghreb = Berbères convertis. Je vous la fais
courte mais en substance, c’est cela même. La conversation suit gentiment son
cours, M. Verhaeghe demande à M. Hindi de
définir la notion de judaïsme messianique et il faudra attendre 33:18 pour que
revienne sur le tapis la question qui gêne.
Question : « Dans cette affaire est-ce
qu’on peut considérer aujourd’hui que les Juifs ou les sionistes, on les
appellera comme on veut, n’ont pas un peu raison lorsqu’au fond ils disent que
les musulmans sont massivement antisémites parce qu’ils s’opposent à un projet
qui est de nature religieuse ? Est-ce qu’au fond vous ne leur donnez pas
raison ? »
Réponse : « (…) Si on parle des
musulmans qui s’opposent au sionisme, ils s’opposent au sionisme, pas parce
qu’ils seraient antisémites, déjà c’est un terme qui ne convient pas du tout
parce qu’en Israël et en Palestine occupée les Sémites ce sont les
Palestiniens, c’est pas les Israéliens qui sont des
Russes, des Polonais ou des Marocains. »
M. Hindi
remet une pièce dans la machine. Les Juifs ne sont pas des Sémites donc les musulmans
ne sont pas antisémites. Et puis c’est tout. M. Verhaeghe
qui veut vraiment clarifier les choses pour que ses
auditeurs comprennent bien se sent alors obligé de reformuler sa
question : « Donc ils peuvent être… ça peut être des Sémites
antijuifs ? Antijudaïques ? »
Réponse : « Alors ce à quoi ils
s’opposent les Palestiniens, ils s’opposent au vol de leur terre et ce vol est
fait au nom d’un suprématisme juif. Donc le problème c’est que si antijudaïsme
il y a il est provoqué par les Israéliens qui disent que la Bible hébraïque est
notre cadastre et c’est la raison pour laquelle on vous expulse de chez vous.
(…) »
Mouais… Les
musulmans ne sont pas antisémites, mais ils sont antijuifs parce que ce sont
les Israéliens qui ont commencé. Ben oui. Iroquois, Apaches ou Sioux, ce sont
toujours les indiens qui comanchent. N’est-ce pas ce
que nous explique Bernard Lazare en préambule de son livre ? La cause de
l’antisémitisme est à chercher du côté des Juifs. C’est ce que nous expliquent
également MM. Israël Shahak et Hervé Ryssen. Un peu plus loin M. Hindi qui veut vraiment
dédouaner les musulmans de tout antisémitisme nous explique encore que
« quand des Japonais au Japon manifestent devant l’ambassade d’Israël on peut pas dire que ce sont des antijuifs ou des
islamo-gauchistes, donc le problème ne vient pas des musulmans de Palestine et
des chrétiens aussi, parce qu’il ne faut pas oublier que les Palestiniens ne
sont pas que musulmans, ils sont musulmans et chrétiens. (…) »
Certes les
Japonais ne sont ni musulmans, ni chrétiens, mais ils peuvent être gauchistes.
Et comme ils ont le sens de la tradition peut-être qu’ils se souviennent de la
Fraction Armée Rouge japonaise qui avait des liens étroits avec le Front
Populaire de Libération de la Palestine.
Bon. En fait,
si je suis bien le raisonnement de M. Hindi je ne dirais pas que les paysans
alsaciens de la fin du xviiie
siècle et du début du xixe
siècle étaient antisémites. Les protestations venant
de toute part pour mettre fin à la pratique de l’usure par les Juifs d’Alsace
obligent Napoléon à prendre des mesures d’ordre public. Mais les paysans
alsaciens qui avaient lu Shlomo Sand savaient bien que les Juifs ne sont pas
des Sémites, qu’ils étaient les descendants d’Alamans convertis. Et comme ils
avaient par ailleurs tous lu la Bible du Rabbinat, édition bilingue
hébreu-alsacien, traduction du Rabbinat sous la direction de Zadoc Kahn, grand rabbin de France né à Mommenheim
dans le Bas-Rhin, ils ont tout de suite compris que la pratique de l’usure par
les Juifs était chaudement recommandée par la religion juive, d’où un léger
antijudaïsme bien compréhensible au demeurant.
Pour finir
l’interview, et à la question de savoir si l’on peut envisager une solution
pour la paix, M. Hindi répond que ça lui paraît difficile étant donné qu’il y a
une double fuite en avant, une fuite en avant politique et une fuite en avant
messianique « parce qu’ils y croient vraiment à l’arrivée du
Messie ».
Poï, poï, poï ! Il n’est pas certain que toute cette logorrhée hindiesque nous éclaire plus à l’arrivée qu’au départ. On
peut même se demander ce qu’en a pensé M. Verhaeghe,
à tête reposée, le lendemain de l’interview.
Encore deux
petits détails plaisants pour finir. Dans l’interview du Média en 4-4-2,
M. Hindi nous explique : « Par contre la religion juive existe,
et effectivement dans la religion juive il y a l’idée d’un peuple-race, élu
etc. Mais ça c’est eux qui y croient, moi j’y crois pas. » Et pour
conclure l’interview pour le Courrier des Stratèges il nous assène un « parce
qu’ils y croient vraiment à l’arrivée du Messie ».
Ah, ben ça
alors ! M. Hindi a l’air tout étonné de ce que des croyants croient. M.
Hindi qui est né au Maroc et qui a donc la nationalité marocaine (a-t-il la double nationalité ?) ignore-t-il que son roi est le
Commandeur des croyants ? M. Hindi reconnaît-il le roi du Maroc d’ailleurs
ou est-il partisan d’une république marocaine ? Les chrétiens croient que
Jésus a marché sur les eaux de la mer de Galilée, qu’il a rendu la vue à des
aveugles et l’usage de leurs membres à des paralytiques. Les musulmans croient
que le Coran est la parole même de Dieu transmise à Mahomet par l’archange
Gabriel. À la suite de quoi le même Mahomet, se rend à Jérusalem où il monte
aux cieux, toujours accompagné du même archange Gabriel. M. Hindi qui se dit
musulman croit-il ce genre de récits ou n’y voit-il qu’une tradition allégorique ? Autant de questions que l’on se pose.
Quelque part M. Hindi fait penser à ces théologiens
brocardés par Marx dans Misère de la philosophie. Ces théologiens qui
« établissent deux sortes de religions. Toute religion qui n’est pas la
leur est une invention des hommes, tandis que leur propre religion est une
émanation de Dieu... »
M. Hindi qui est né au Maroc donc, soutient encore qu’il est un
« Berbère du Maroc, mais pas sémite ». Ah ! M. Hindi a l’air
bien convaincu de la pureté de la race à laquelle il appartient. On croirait
entendre un goy fier des ses trente-deux quartiers d’aryanité. Pourtant les
Sémites sont passés sur l’Afrique du Nord depuis la
plus haute Antiquité. Comment M. Hindi peut-il être sûr qu’il n’a pas une
seule goutte de sang sémite dans les veines ? Aurait-il fait faire des
recherches ADN ? Mais comment peut-il nous expliquer alors qu’il a un nez
qui ressemble à celui de Philip Roth et de Sennachérib ?
* * *
« J’suis pas antisémite, j’ai une mezouzah à la maison » chouinait
Pierre-Jean Chalançon en larmes au micro de Jean-Marc
Morandini. « J’suis pas
antisémite, j’ai tout Lucien Goldmann et Georg
Lukács dans ma bibliothèque » surenchérit Alain Soral.
Il ne faudrait toutefois pas que notre
sévérité à l’égard de MM. Soral et Hindi fasse se
méprendre le lecteur. Nous considérons les recherches soignées de M. Hindi et
les analyses pertinentes de M. Soral tout à fait
dignes d’intérêt. Et comme nous sommes un chaud partisan du débat et de la
critique, c’est évidemment là que nous exerçons notre vigilance. On perdrait
son temps à l’exercer ailleurs.
Alors que j’allais enfin boucler ce texte, je
tombe sur un pertinent article de Laurent Guyénot : « Le sionisme
est-il la continuation ou la réfutation du judaïsme ? »
Dans cet article M. Guyénot essaye de définir
ce qu’est le judaïsme dans la Bible hébraïque et veut montrer que le sionisme
est entièrement biblique : « L’ambiguïté
peuple-religion n’existe pas dans la Bible hébraïque : culte exclusif
(aspect religieux) et endogamie stricte (aspect national) y sont présentés
comme les deux faces de l’Alliance (…) L’Alliance est d’abord un
entre-soi : les goyim, les Gentils (synonyme, les Nations) sont sans autre
valeur que celle des services qu’ils peuvent rendre au peuple élu. » Dans
la Bible hébraïque le précepte « Tu aimeras ton prochain comme
toi-même » ne s’applique donc qu’aux Hébreux qui adorent leur dieu
national et pas à l’ensemble des autres hommes. « C’est pourquoi, poursuit
M. Guyénot, il n’y a pas de contradiction entre le commandement de ne point
tuer son “prochain” et les nombreux commandements de tuer les plus ou moins
“lointains”, et même de les exterminer, hommes, femmes, enfants et bétail
(Deutéronome 20 ; Josué 11 ; 1 Samuel 15). »
Le sionisme pour M. Guyénot « marque simplement le retour des juifs dans l’Histoire
et le début de l’accomplissement de leur destin historique. Ce destin
historique n’est pas inscrit dans le Talmud, mais dans la Bible
hébraïque. » Le judaïsme rabbinique ou talmudique n’est qu’un intermède
historique mais « l’objectif ultime n’a jamais changé : le
rétablissement de l’État juif et l’accomplissement de son destin impérial
prophétisé dans la Bible. »
M.
Guyénot peut donc réaffirmer un peu plus loin : « (…) le sionisme
n’est ni une réfutation ni une continuation du talmudisme,
c’est simplement un retour à l’essence de la tradition
juive originelle, après l’intermède talmudique. Que quelques juifs s’en
tiennent encore au Talmud, et que certains d’entre eux rejettent le sionisme
n’a aucune importance. L’Israël d’aujourd’hui est la renaissance de l’Israël
des temps anciens tel que présenté dans la Bible. Il a la même personnalité sociopathique et génocidaire. »
Encore
un plus loin M. Guyénot cite David Ben Gourion :
« Il ne peut y avoir d’éducation politique
et militaire sur Israël sans une connaissance profonde de la Bible. » Et
de commenter : « Entendez bien : il ne parle pas d’éducation
religieuse, mais d’éducation “ politique
et militaire ”. La Bible est en effet un programme politique et
militaire, et c’est pourquoi le sionisme est biblique. (…) Ben Gourion a parfaitement raison, et pour ma part, j’en
conclus : on ne peut condamner le sionisme sans condamner la Bible
hébraïque. »
M.
Guyénot qui répond en fait à un texte de M. Douguine
« L’essence du sionisme » (https://www.egaliteetreconciliation.fr/L-essence-du-sionisme-74179.html)
finit par en conclure que « le sionisme est satanique parce que la Bible
hébraïque, l’Ancien Testament, est satanique. (…) L’urgence est de reconnaître
et proclamer la nature perverse de l’Israël moderne, et cela nécessite de
reconnaître et proclamer la nature perverse de l’Israël biblique. »
C’est
exactement ce que je voulais dire ! La religion juive est intrinsèquement
perverse et satanique. C’est de l’antijudaïsme de le dire, donc de
l’antisémitisme. Et si le sionisme est satanique parce qu’il se base sur la bible hébraïque qui est satanique, être
antisioniste c’est être antisémite. Les esprits chagrins et progressistes me
rétorqueront : « Mais c’est uniquement les
Juifs religieux qu’on aime pas. Les Juifs athées qui
ne croient pas ce qui est écrit dans la Bible hébraïque et qui ne foutent
jamais les pieds dans une synagogue on les aime bien, donc on
est pas antisémites. » Ce à quoi je répondrais : « En
quoi les Juifs athées qui ne croient pas ce qui est écrit dans la Bible
hébraïque et qui ne foutent jamais les pieds dans une synagogue sont-ils encore
des Juifs ? » Cesser d’être juif, n’est-ce pas tout le bien qu’on
peut leur souhaiter. Israël Adam Shamir et Gilad Atzmon, pour ne citer qu’eux, sont sortis du ghetto pour ne
plus jamais y retourner.
Je
signale encore un ouvrage intéressant : Yakov M.
Rabkin, Au nom
de la Torah. Une histoire de l’opposition juive au sionisme, 2004, Les
presses de l’Université Laval. Tant il est vrai qu’en matière de controverse
théologique chacun peut voir midi à son clocher. Dans cet ouvrage on apprendra
qu’en plus du Talmud, la même Bible hébraïque (avec des extraits judicieusement
choisis), permet aux Juifs religieux antisionistes de qualifier l’entreprise
sioniste d’œuvre satanique.
M.
Guyénot termine par : « On ne peut éluder le fait que la question
juive, qui est devenue la question sioniste, a pour
contrepartie la question chrétienne : ce n’est pas seulement la question
du pouvoir juif, c’est la question de la vulnérabilité de la chrétienté au
pouvoir juif. Cette vulnérabilité est due en grande partie au cheval de Troie
qu’a été l’Ancien Testament, qui nous a fait accepter l’idée inacceptable d’un
peuple élu par le Dieu universel. »
Oui, la question sioniste
est bien devenue la nouvelle question juive. Mais cela ne veut pas dire qu’elle
le demeurera éternellement. L’état d’Israël et le sionisme peuvent très bien
s’effondrer comme l’URSS et le communisme, la question juive restera posée.
Karl von Nichts, Éditions anonymes.
Strasbourg, 11 décembre 2023.